Côte Rôtie Mes Grands Lieux

La Revue du vin de France (mai 2025) : Assemblage de ses plus beaux lieux-dits de Côte Rôtie, « Mes Grands Lieux » est la nouvelle cuvée du Domaine Ogier, commercialisée après dix ans de garde. Le millésime 2015 vient d’être dévoilé. Entretien avec le vigneron Stéphane Ogier :

La Revue du vin de France : Pourquoi une nouvelle cuvée aujourd’hui ?

Stéphane Ogier : J’ai toujours gardé du vin pour le faire vieillir, mon père le faisait avant moi et je considère que c’est important car c’est le prolongement de notre métier ; certes un grand vin doit être bon tout de suite, mais le boire trop tôt peut nous faire rater des choses. Je souhaitais commercialiser ce vin au moment opportun, encore sur la jeunesse de son fruit, avec quelques prémices d’évolution mais toujours une belle capacité de garde. Aujourd’hui, je propose le millésime 2015.

Comment a été pensée « Mes Grands Lieux » ?

Dans mon esprit, j’ai des terroirs que je qualifierais de « grands crus » et d’autres de « premiers crus », comme cela s’entend en Bourgogne, région où je me suis formé et qui m’a largement inspiré dans mon approche parcellaire. En 2010, j’ai créé ma côte-rôtie « Mon Village » comme une cuvée communale, et en 2012 j’ai commencé à isoler certains lieux-dits (j’en cultive plus de 20), dans une logique de Premiers Crus - Fongeant, Côte-Bodin, La Viallière, But De Mont, Cognet, Bertholon, Montmain, Le Champon, Leyat, Montlis -, tout en mettant de côté des lots de chacun. Aujourd’hui, j’ai décidé de les assembler dans « Mes Grands Lieux », afin de réunir le meilleur de ces terroirs et de proposer une autre vision de Côte-Rôtie.

C’est donc une cuvée d’assemblage et non plus une cuvée parcellaire ?

Tout à fait. En réalité, je reviens à la tradition de Côte-Rôtie, à rebours en effet de la culture bourguignonne qui a constitué le socle de ma formation et qui continue de m’habiter dans mes parcellaires, comme Lancement, La Côte Blonde ou La Belle-Hélène. Avec cette cuvée, je relie donc les deux cultures : elle est la synthèse de mes meilleurs lieux-dits, avec deux tiers des parcelles issus de la Côte Brune et un tiers de la Côte Blonde, et surtout une large part de vendange entière, plus de 50% en moyenne. Chaque lieu-dit est vinifié séparément, l’assemblage se décide ensuite, après un an de cave.

Quel élevage privilégiez-vous ?

Cette cuvée est élevée comme toutes les autres, en demi-muids de 600 litres, un format particulièrement adapté à la syrah selon moi ; ce sont d’ailleurs ces questionnements sur l’élevage qui m’ont amené à généraliser ces grands contenants à toutes mes côtes-rôties, à partir de 2018.

Qu’apporte t-elle à votre réflexion ?

J’ai surtout voulu montrer la folle diversité de l’appellation, sa capacité à ne pas se laisser enfermer dans une seule vision. J’essaie chaque fois d’exprimer l’identité de chaque terroir, c’est pourquoi je vinifie mes 35 parcelles séparément (le domaine compte 14 hectares de Côte Rôtie, ndlr). Il me tenait à cœur de créer une nouvelle cuvée qui, je l’espère, s’imposera comme la référence du domaine sur Côte-Rôtie. Mais ces vins ont besoin de temps : il me paraissait primordial de les commercialiser après dix ans.

Enfin, dites-nous un mot du contexte actuel : comment se porte Côte-Rôtie ?

On subit la crise comme tout le monde mais on résiste bien. Je ne suis pas inquiet car Côte-Rôtie offre encore de bons rapports qualité-prix et ses vins continuent d’être appréciés partout dans le monde. Pour ma part, j’exporte 40% de ma production (500 000 bouteilles, ndlr), je pousse certains de nos marchés, notamment le Royaume-Uni et conserve une bonne assise en France. Je reste optimiste car on a eu de beaux millésimes et il faudra, tôt ou tard, refaire les stocks !

Fiche technique rédigée par le Stéphane Ogier:

Une cuvée d’assemblage de lieux-dits
Depuis 1997, j’ai constitué mon vignoble autour de terroirs très différents, sur tous les types de sols de l’appellation. J’ai la chance de cultiver aujourd’hui plus de vingt lieux-dits répartis sur 35 parcelles et de forger des cuvées qui expriment avec finesse les spécificités de chacun de ces terroirs.
Depuis 2012, j’isole certains d’entre eux – Fongeant, Côte-Bodin, La Viallière, But De Mont, Cognet, Bertholon, Montmain, Le Champon, Leyat, Montlis – dans une caisse bois, tout en réservant à part des jus de chacun.
J’avais à cœur d’en tirer la quintessence en les assemblant, dans une démarche totalement renouvelée pour moi, à rebours de la culture bourguignonne qui a constitué le socle de ma formation et m’a largement inspiré. Avec « Mes Grands Lieux », je retrouve ainsi la tradition séculaire de l’assemblage de Côte Rôtie.

Le millésime 2015 : L’année 2015 a été marquée par des conditions climatiques idéales : un hiver doux et pluvieux, favorisant une bonne reconstitution des réserves hydriques des sols, un printemps chaud permettant une floraison précoce et homogène, et un été caniculaire assurant une concentration optimale des raisins. Les pluies de la mi-août permettent d’éviter le stress hydrique, suivies d’un ensoleillement radieux et de vents assainissants, garantissant un état sanitaire parfait des raisins. 

Le vin : Des arômes mûrs de cassis et de mûre, des notes florales de violette ; des épices douces relèvent un nez intense et complexe. En bouche, l’attaque est ample, tendre et veloutée, avec une belle structure tannique, mûre et enrobée. L’équilibre général – entre puissance & fraîcheur – donne une superbe allonge au vin.